On se dispute plus entre chiens et entre chats … qu’entre chiens et chats !
Compétition, concurrence, des concepts si souvent utilisés qu’ils en ont perdu progressivement de leur substance jusqu’à se confondre au point de nous faire oublier que, si la concurrence est naturelle, la compétition serait bien … artificielle !
Hérésie, me direz-vous, car tout le monde sait (merci Darwin !) que le monde vivant s’est construit sur un principe de sélection naturelle et que la compétition en est le moteur ! En êtes-vous si sûr ?
Une situation de concurrence est une mise en interaction lors d’une rencontre. Ce sont, par exemple, deux entreprises aux produits semblables qui se télescopent sur un même marché et interagissent, toute initiative (commerciale, marketing, communication, …) de l’une impactant le business de l’autre, la contraignant à réagir. Cette situation, naturellement instable, fluctue au gré des actions/réactions réciproques jusqu’à ce qu’émerge une différenciation suffisante pour apporter un nouvel équilibre. Car c’est leur différenciation qui préservera chaque acteur de son concurrent, en abaissant le niveau d’interaction et de dépendance réciproque. Ce nouvel équilibre peut se manifester par un accord de partage du marché, par un partenariat, mais également par la disparition de l’un des concurrents (abandon ou … annihilation).
Une situation de concurrence induit donc une transition vers un nouvel équilibre obtenu par une différenciation des acteurs ; elle n’est pas durable sauf si … on l’entretient artificiellement en instaurant une compétition !
Et c’est bien ainsi que l’on procède lorsque l’on édicte des lois anti-trust pour conserver une concurrence, des règles qui facilitent ou provoquent l’émergence de concurrents, des lois qui interdisent l’entente des concurrents au détriment des clients. Tous les domaines où s’exprime la compétition sont encadrés par une réglementation qui délimite le périmètre des différenciations autorisées (par la performance, l’innovation, le prix, la qualité, …) et celui des différenciations interdites (par la tricherie, le dumping, l’entente, le manque d’équité, …). Imaginez un combat de boxe opposant un poids léger et un super-lourd !
La compétition est donc une concurrence artificiellement entretenue.
Ce constat appelle les remarques suivantes :
1)- Se référer au caractère naturel de la compétition pour la justifier dans certaines situations est abusif jusqu’à être … destructif. Si le monde vivant s’était organisé par la compétition, il y aurait bien moins de diversité, car seuls auraient survécu « les plus forts ». Alors qu’au contraire, la variété des espèces et des comportements révèle plutôt un équilibre basé sur une différenciation poussée qui limite les interactions (entre chiens et chats !).
En corollaire, toute mise en relation d’acteurs peu différenciés se révèle donc plus propice à la concurrence (entre chiens et entre chats !).
2)- Néanmoins la compétition, à défaut d’être naturelle, n’en est pas moins nécessaire dans les situations où un équilibre trop durable serait synonyme de sclérose, où un statu quo empêcherait toute évolution, innovation ou progrès souhaitable. Car la nature nous donne d’innombrables exemples de situations stables (jusqu’à l’excès ?) où les espèces évoluent peu (ou pas !) pendant des millions d’années !
Il ne s’agissait pas ici de juger de la pertinence d’instaurer ou non de la compétition dans nos organisations, mais seulement d’affirmer que nous sommes maîtres de ce choix, qu’aucune loi naturelle ne nous y oblige et qu’il nous appartient donc de décider au cas par cas en usant de notre intelligence des situations ! En se souvenant qu’il est souvent plus efficace (et prédictible !) de “piloter” une situation de concurrence qu’une mise en compétition aveugle … au résultat imprédictible !