9-Le « dressage » organisationnel

Orienter le comportement d’une organisation, anticiper ses réactions, la rendre plus résistante, plus agile et plus autonome, bref prendre le contrôle de son équipe sans se sentir condamné à réagir aux imprévus, créer les situations et non les subir  : rêves de managers ?

Nous allons illustrer ce propos avec un exemple simple, presque un cas d’école.

Vous êtes le responsable d’une équipe chargée de traiter des dossiers de demande de prêt immobilier.  Actuellement un seul collaborateur est chargé de la première étape d’instruction du dossier.

Le développement de votre activité impose d’incorporer une ressource complémentaire. Plusieurs options « classiques » s’offrent à vous :

  • répartir les dossiers entre les deux collaborateurs sans autre critère que l’ordre d’arrivée,
  • répartir les dossiers selon un critère précis tel que le montant du prêt, par exemple, parce que vous voulez tenir compte de l’ancienneté des collaborateurs (et donc de leur expérience),
  • répartir les dossiers selon votre évaluation des qualités des deux collaborateurs (la rigueur, par exemple),

Il est clair que ces options vous imposent  de décider de la « supposée » meilleure répartition (et donc organisation) du travail. Vous restez maître du processus mais … esclave des imprévus. Vous devrez gérer les mauvaises surprises, mais n’en espérez pas de bonnes !

Maintenant, relâchons un peu la bride ! Tout en maintenant chaque collaborateur dans son propre bureau, permettons-leur de « piocher », sans contact ni concertation, dans une pile commune des dossiers à traiter. Cette option induit une dépendance, une interaction (aveugle !) entre les collaborateurs car un dossier pris par l’un n’est plus disponible pour l’autre. Et puisque « l’interaction différencie » il est probable qu’au fil du temps certaines singularités émergeront.

Par exemple :

Collaborateur 1 : « Je prends les gros dossiers car je suis motivé par la complexité »

Collaborateur 2 : « Les dossiers volumineux disparaissent de la pile, tant mieux car je ne suis pas sûr de moi,  je préfère les plus petits ! »

Collaborateur 1 : « Les petits dossiers disparaissent de la pile, tant mieux  je peux ainsi me consacrer aux gros ! »

Peut ainsi émerger naturellement une différenciation de comportement, une spécialisation non dirigée, et cela sans consigne,  concertation, ni même discussion à la machine à café !

Mais qui vous empêche maintenant de susciter cette spécialisation en distinguant les dossiers par  une pochette couleur selon un critère tel que le montant du prêt demandé, la complétude du dossier, … ? Ces « incitations » à spécialisation seront autant de pistes pour organiser « naturellement » votre équipe et donc laisser chacun s’orienter vers ce qu’il peut ou veut au mieux, avec pour corollaires une motivation et une efficacité améliorées, une autonomisation de l’équipe, et, qui sait, peut-être … l’émergence d’une compétence collective que vous n’auriez pas imaginée !

Un simple choix d’organisation du travail peut donc produire des résultats très différents en jouant simplement sur l’interaction entre les collaborateurs. Et l’on imagine bien toutes les combinaisons possibles selon les natures et les complexités d’interactions possibles.

Au pire, aucune spécialisation naturelle n’émerge et les dossiers sont traités « comme ils viennent ». Au mieux, chacun fait ce qu’il préfère (et donc probablement mieux !).

Cette situation de travail, certes édulcorée, illustre à nouveau le rôle de l’interaction dans le comportement du groupe.

Contrôler les interactions, donc les dépendances, c’est prendre la main sur la structuration et l’évolution du groupe.

Il est évident que d’autres paramètres entrent en jeu et que le résultat espéré n’est pas forcément acquis mais cela ne vaut-il pas mieux que de laisser la combinatoire des comportements individuels orienter le comportement  global, de subir en  « regardant se faire les choses ». Alors que bien des options existent et que le manager dispose donc de bien plus de latitudes qu’il ne le pense en général !

Pas convaincu ? Alors passons, dans l’article suivant, à un autre type de situation de travail et voyons comment l’optimiser en « jouant » sur les interactions entre acteurs.

 

Ce contenu a été publié dans Biorganisation, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.