16-L’agilité  0

Résister, s’adapter ou adapter ?

Résister, s’adapter … ou adapter ?

L’agilité, synonyme de souplesse, de capacité d’adaptation, et bien qu’appliquée initialement au travail de groupe s’impose progressivement dans les entreprises jusqu’à devenir un mode de management, de gouvernance et même de stratégie d’entreprise.

Mais ne sommes-nous pas en train d’exploiter jusqu’à l’excès une approche qui, transposée au comportement d’une entreprise sur son marché, lui ferait oublier que s’adapter c’est réagir, se soumettre et donc aussi … subir ?

Une petite illustration pour clarifier cela !

Imaginons qu’un météore « tueur » se rapproche à toute vitesse de la Terre avec une « bonne » probabilité de s’y écraser.

Face à cette situation l’humanité pourrait :

    1. ne pas réagir, accepter ce changement inéluctable et attendre sa fin du monde,
    2. se mobiliser pour tenter d’annihiler la menace,
    3. s’adapter à la menace en préparant des abris,
    4. adapter la menace en tentant de dérouter le météore sur une orbite terrestre ou lunaire pour exploiter les ressources qu’il renferme (peut-être !).

En transposant cette situation au marché, une entreprise pourrait :

    1. ne pas réagir aux évolutions de son environnement, les ignorer et continuer « as usual ». On imagine alors sans peine sa viabilité à long terme !
    2. résister en se protégeant contre les changements. Mieux vaut alors qu’elle soit « solide » !
    3. s’adapter aux changements en instaurant une organisation souple et donc agile. C’est un gage de durée mais pas de développement !
    4. adapter son environnement par une politique active d’innovation pour « imposer » un service ou un produit.

Le bon sens (quelquefois trompeur, je l’accorde !) nous impose d’oublier la première option.

La seconde attitude, la résistance, est quelquefois nécessaire car sombrer dans l’agitation en réagissant à chaque changement de l’environnement met en péril l’entreprise elle-même. Ballottée par les événements jusqu’à perdre toute structure, toute stabilité et même son identité, elle se diluerait jusqu’à disparaître. Car la résistance au changement est naturelle et souvent souhaitable (14-Le changement)

Le troisième scénario exploite la capacité d’adaptation comme atout pour continuer à vivre malgré les fluctuations de l’environnement. L’entreprise « s’accroche » à son environnement quoi qu’il devienne. Elle en est partie intégrante et « obéissante ». Mais sa volonté d’intégration dans son environnement peut devenir une soumission. Car il n’y a pas d’intégration sans renoncement (11-L’émergence)

La dernière option reflète une attitude active (proactive) qui plutôt que de subir le marché cherche à  « le faire ». Il ne s’agit plus de répondre à un besoin mais de le créer. Pas plus de répondre à une question mais de proposer une réponse (une solution) à une question non encore posée (un problème, un besoin). C’est la démarche de ces nouvelles entreprises émergentes (pas la peine de les citer !) qui, plutôt que de s’adapter, orientent, structurent et souvent chamboulent le marché.

Alors (car mon article commence à s’allonger !), quelle est l’option optimale ? 2 ou 3 ou 4 ?

Une fois de plus c’est bien évidemment 2 et 3 et 4

Car une résistance acharnée aux changements (2), une soumission à tous changements (3) ou une agressivité (prétention) exagérée (4) sont séparément destructeurs quand ils sont poussés à l’extrême.

Loin de dénigrer l’agilité en tant que telle, mon propos visait à en montrer les limites et en promouvoir une application mesurée et adaptée aux situations. Car le comble serait bien que cette philosophie de l’adaptation ne sache s’adapter aux situations et parfois même … s’effacer.

Et ce qui est valable pour l’entreprise, sa stratégie, sa gouvernance, ses modes de management, l’est également pour l’organisation … et même le travail de groupe ! Car, si l’agilité est une réponse à certaines situations pour certaines structures, elle reste un simple outil complémentaire dans la boîte à outils des acteurs de l’entreprise … sauf à nier la multiplicité des situations d’entreprise !

Encore une fois c’est notre intelligence des situations qui permet de choisir les bons outils sans tomber dans ce travers bien connu « Avec un marteau en main, les problèmes ont la forme de clous ! ».

Nous avons évoqué une approche qui, plutôt que de s’adapter, cherche à adapter l’environnement. Pour aboutir, cette démarche doit prendre en compte certains principes naturels du comportement des organisations. C’est ce que nous développerons dans le prochain article en abordant le mécanisme du « verrouillage cause-effet ».

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